Les deux anges
L’histoire commence dans un village enneigé.
Deux orphelins
Frère et sœur
Couchent dans la rue sous une couverture trouée.
Les villageois passent à côté d’eux sans les voir :
Ils sont trop petits, trop sales ;
Ils se confondent avec les ordures
Tremblant l’un contre l’autre, ils gèlent lentement
Dans l’ombre et le silence
Pourtant bien visibles sous le ciel qui les oppresse
Ils n’ont rien pour se réchauffer
Quand on a chaud au cœur,
Ni la neige
ni le vent
Ne peuvent nous glacer.
Alors ils se disent des contes, ils inventent des histoires
Cherchent dans leurs souvenirs des bribes de féeries
Qui pourraient leur donner du réconfort
Le frère raconte la petite fille aux allumettes
(Tous deux en adorent l’histoire)
Et la sœur fermant les yeux
S’imagine, elle aussi,
Grattant les allumettes de son paquet
Voir le grand poêle, la dinde,
Le sapin, la grand-mère ;
Ils en oublient le gel
Et les gerçures
Ils ne connaissent pas la fin du conte.
Les passants marchent
Ils n’ont rien remarqué.
Deux jours plus tard
On jette leurs corps au dépotoir/
Là, quelques mendiants les trouvent dans les déchets
Si beaux qu’ils les prennent pour deux anges.
Le plus vieux et le plus sage d’entre eux
Un mendiant à barbe grise
Dit : « Si ce village abandonne Dieu,
Abandonnons le village.» C’est pourquoi, dans ce village,
Il n’y a plus ni mendiant à chasser
Ni ange à admirer.
Les villageois n’ont rien noté.
On a la conscience bien tranquille
Quand on ne fait rien pour la sauver.
Ioannis Katsaros
(C'est sensé ressembler à une fable. Quel dommage, c'en est très loin...)