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Zycie jest cudowne
2 janvier 2010

Comment dire

Y'a un thème récurrent chez les auteurs en général, à un moment ou un autre de leur vie ils se mettent à piailler sur "comment dire", "comment exprimer", "comment rendre" ce qu'ils viennent de vivre ou ce qu'ils ont vus, et qu'ils ne voient justement aucun moyen de transmettre tout ça, que pour eux c'est indicible; ou plus simplement, qu'ils n'ont pas les moyens de le faire, parce que c'est possible, ils en ont le sentiment, mais qu'ils ne savent pas comment. Il n'y a pas de d'idée si belle qu'elle ne puisse être transcrite, il n'y a pas d'émotion qu'on ne puisse traduire par des mots. Reste à les avoir, et ceci est une autre histoire: on ne peut pas tous tout dire, et ça arrive à tous. Et comme j'utilise le terme général, ça m'est arrivé aussi à moi, et ça m'arrive encore, et ça arrivera encore - tous on aura toujours ce problème récurrent. Parfois, on trouve une réponse satisfaisante, quelque chose qui passe, qui suffit; parfois, on veut du parfait, du grandiose, un passe-partout ne suffit pas, on bloque. Alors on s'arrête et on se dégoûte.

En ce moment je suis dégoûté. Dégoûté parce que j'arrive parfaitement à dire ce que je pense mais que je n'ai presque rien à dire. Les sujets se trouvent facilement mais aucun ne convient, et c'est ça l'énervant. Donnez-moi sur quoi écrire je gratte vingt pages en deux heures: si je ne sais pas quoi je passe trois heures sur deux phrases. Je suis dégoûté parce que je manque d'idées.

Là par exemple, pour vous dire à quel point, j'écris sur ce que je n'ai pas d'idées. Voyez un peu la disgrâce, contemplez le malheur, tirez les enseignements s'il y en a à tirer: pas de pire situation que se trouver vide d'idées, on se sent vide tout court si on ne sait rien créer, on se sent misérable et nul au sens mathématique comme au sens traditionel.

Les promenades ne servent à rien: quand on est vide, on est vide. Oh, bien sûr, on peut trouver tel arbre joli, telle situation charmante, tel personnage scandaleux, vouloir prendre leur vie pour la mettre en prose, mais ça se limite à vouloir, ce qu'on fait n'a pas de profondeur, on se heurte à un mur invisible qu'on croit se dresser nous-mêmes. Parce qu'on ne veut pas se limiter à écrire quelque chose, on veut le faire jusqu'au bout.

Ca peut aussi arriver quand on pense à la totalité de ce qu'il faudra remplir pour finir l'histoire: on se fixe un nombre de pages - erreur qu'on s'est interdit mille fois déjà - et on se décourage avant la moitié. Ce n'est rien pour un roman, ça devient grave quand la limite était de moins de vingt, dix pages, qu'on veut déjà terminer ce qu'on vient de commencer, que l'impatience nous force à nous dépenser mal et vite alors qu'on voudrait tant pousser et approfondir mais qu'on ne voit pas comment ancrer tout le reste dans ce qu'on a déjà fait, et qu'on ne veut pas reprendre ce qui a déjà été vu pour le remplacer. On stocke et on revoit deux ans plus tard pour finalement oublier.

C'est bizarre sans doute pour les autres de dire qu'on écrit peu et qu'on a pas d'idées alors qu'on enchaîne les textes, mais quand on avoue qu'ils font rarement deux pages et presque toujours moins, la chose prend une tournure différente. D'autant qu'on ne le finit jamais, non, sauf quand ils ne dépassent pas la page, on les commence mais on s'en lasse avant de les avoir terminés. On les garde toujours en mémoire, quitte à les replacer un jour, pour dire "voilà, je travaille toujours dessus, je l'ai réécrit depuis le départ" tout en sachant que la technique s'apparente maintenant à du patchwork et qu'on ne fait rien que broder sur du rien, sur du passé qu'on a laissé de côté et qu'on n'aurait pas dû y retoucher.

Alors on s'insulte, on se traite de faux César à parler à la troisième personne de soi, de moi bon sang! Et je me dis que je ne devrais pas parler ici de ce genre de faiblesse, que non seulement c'est inutile mais bête de surcroît, et que la qualité d'un auteur se retrouve non dans ce qu'il fait mais dans ce qu'il présente, et qu'en ce qui concerne ce que je présente il n'y a rien de beau à voir. Alors une fois de plus, on se dégoûte, je me dégoûte, de moi, de ce que je fais, et je m'arrête.

Comment dire toute cette colère qu'on ramasse contre soi-même quand on se reproche de ne pas être celui qu'on mérite d'être?
Comment dire cette envie de faire, d'agir, et cette langueur qui nous en empêche alors qu'on désire du fond du coeur?
Comment faire passer ces soubresauts de l'humeur dès qu'un bruit trop violent cingle vos oreilles, ces "bordel ta gueule!" quand on entend ne serait-ce qu'un murmure, ce besoin de silence?

La manière la plus simple encore de faire tout ceci, c'est de poser la question à l'écrit. Souvent, ce genre de choses suffit.
Et au point où on en est, on évitera la perfection comme la peste.

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Commentaires
A
Mais tu sais, quand tu n'as pas d'idées, tu écris bien.
Zycie jest cudowne
  • Ou la vie est belle en français. Comment ça la vie est belle? Mais la vie est moche! Le monde est moche, les gens sont cons, gros, chiants et ils puent! Oui les gens sont cons gros moches chiants et puants. Mais la vie est belle. Enfin j'espère.
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