Mode larve off?

Nous sommes jeudi matin.

Jeudi... donc approximativement cinq jours de mode larve. Mode larve signifie: ne rien faire. Et "ne rien faire" ne signifie pas faire quelque chose d'inutile, non,ce serait trop fatigant; "ne rien faire" signifie en son sens le plus littéral "ne rien faire" à l'exception des quelques nécessités vitales que sont la consommation de nourriture, d'air et d'eau et le rejet des déchets qui les suivent. J'observe très souvent un sens tout à fait imagé et faux de "ne rien faire", qui veut est "ne pas faire assez" quand il s'agit souvent de faire énormément ("j'ai bossé que 12 heures samedi après les cours, j'ai rien fait!"), ce qui est souvent la preuve d'un travail existant et épuisant mais inefficace... Pas l'absence d'action totale, la passivité à l'état brut à laquelle je me suis confiné pour cinq jours durant lesquels j'ai oublié le monde aussi bien dans son ensemble que ses parties.

Minute. J'ai tout de même "agi" au sens où je n'étais pas allongé sur mon lit 24h/24 sans bouger durant mes heures d'éveil, me levant uniquement pour me nourrir, m'abreuver et déféquer. Et en ce sens, ce que j'ai "fait" était inutile, mais j'ai tout de même agi; mais je crois que, pire qu'inutile, mes "actions" (appelons-les ainsi, étant donné qu'elles en sont au sens littéral du terme) étaient si peu marquées, si peu forgées par ma volonté, si peu réfléchies qu'elles peuvent à peine être qualifiées des actions, elles furent tout au plus des réactions à la léthargie qui m'habitait, afin de lui donner un semblant d'existence; mais elles ne furent ni pensées, ni formulées dans un but, et si ce furent des actes, cela n'empêche pas mon inaction totale.

Ce fut paisible. Agréable, à sa façon, mais détestable également: comme le sucre des friandises qui devient écoeurant au fur et à mesure qu'on en mange davantage...Insupportable, et à ne pas supporter. Il faut, ce me semble, un certain courage pour atteindre la vraie inaction, celle que je n'ai sans doute pas atteint étant donné que mon cas est discutable, et qui consisterait à ne même plus feindre l'action de manière inconsciente, d'avoir son inconscient en accord avec sa conscience et de ne faire véritablement rien. Une apathie totale en quelque sorte, immobile et inamovible.

Mais les seuls exemples de ce type sont les cas les plus graves de dépression psychotique où l'on retrouve des corps quasi-sans-vie trop paresseux pour se nourrir ou pour boire, mais ne cherchant pas non plus à se donner la mort. Juste des corps là, des corps las, ce n'étaient plus que des corps vivants sans âme, plus troublants que les zombies traditionnels parce que beaucoup plus proches de nous. La moindre motivation les avait semble-t-il quitté, et ce n'est pas une supposition en l'air étant donné qu'une fois soignés (quand cela arrive), ils répondent invariablement qu'ils ne comprenaient même pas l'intérêt de répondre aux "pourquoi?" qu'ils percevaient, d'ailleurs sous des airs d' "à quoi bon?".

Et effectivement, à quoi bon...?

Je devrais trouver une réponse forte dans cinq heures en me levant.