L'hubris, c'est bien! Non, franchement! Je vous assure!

L'hubris, dans la Grèce antique, c'était comme un crime, mais en pire.
L'hubris, c'était se considérer l'égal, l'équivalent, voire le supérieur des dieux. Côté orgueil humain, y'avait pas mieux.
De nos jours, quand quelqu'un montre un orgueil désobligeant, on parle parfois d'hubris; ce ne sont évidemment pas des cas de prétention ou de vanité normaux.
De nos jours, on a les prétentieux, qui se croyent meilleurs que les autres, qui les rabaissent et les gargarisent.
De nos jours, on a les vaniteux, ceux qui se vantent de qualités qu'ils ne possèdent pas, parce qu'ils sont, comme l'indique leur nom, vides.
De nos jours, on n'a presque plus d'hubris.

Plus personne ne se croit sorti de la cuisse de Jupiter, ne se prend pour le Démiurge, ne réécrit la Genèse, n'est le géant dont chaque partie du corps a formé un bout de l'univers.
De nos jours, n'en déplaise aux protestations religieuses face aux OGM, les scientifiques ne se prennent pas pour Dieu.
De nos jours, contrairement aux avis des geignards, les politiciens ne se prennent pas pour Zeus.
De nos jours, même les artistes ne se prennent pas pour des Créateurs.
Et ce n'est pas un bien.

Ce que d'aucuns appellent l'orgueil humain, la vanité humaine, tout ça a été balayé: les sciences offrent de plus en plus de preuves de nécessités entre les événements, limitant le libre-arbitre apparent de l'homme; les découvertes sur les fossiles et sur les différentes espèces tendent à reléguer l'homme de sa place au sommet de la nature à un côté; les découvertes en astrophysique font de même en ce qui concerne la place centrale de la Terre dans l'espace: nous ne sommes ni au centre du système, ni au centre de la galaxie, ni au centre de l'univers.
Tout ça, ce n'est pas l'hubris, et c'est une bonne chose.

Ce que je veux défendre, c'est ce désir, cette souffrance de vouloir être meilleur qu'un homme, que tous les homme, que tout. Cette envie irrésistible qui pousse au progrès, ce Daemonion qui fait s'opposer aux desseins préétablis, au Fatum choisi par les dieux.
De nos jours, les dieux ne s'appellent plus Jupiter, Thor, Horus ou Rama. Ils ne sont plus ces personifications distinctes qu'on pouvait reconnaître. Ils n'ont plus ni nom, ni face, ni forme: ils ne sont plus qu'un fond.

L'hubris, c'est chercher à atteindre ce fond, c'est creuser son trou en évitant que les bords ne s'écroulent. Ce n'est pas s'élever, pour regarder d'en haut ce que les gens sont petits, c'est s'enfoncer, mais de manière stable, avec du génie, avec du travail, creuser et atteindre un fond d'où on ne peut pas être délogé et qui nous demande tout ce qu'on peut pour essayer d'arriver à ce fond, alors que la terre menace de s'effondrer sur nous, pour cause de nôtre démesure.

L'hubris, c'est justement ça: le surplus. La démesure. L'hubris, c'est la qualité et la conscience de la qualité, qui se passe de comparaison humaine, qui n'a plus rien d'humain: Marsyas était le plus grand musicien que la terre ait jamais portée, mais Apollon reste meilleur, et le punit en l'écorchant pour son hubris.

L'hubris, finalement, c'est ce qui pousse l'homme à la démesure, c'est Babel, c'est les Pyramides, c'est ce qui dépasse l'homme mais n'atteint pas la perfection, parce que la perfection n'est plus humaine.

Je crois qu'en chaque homme et chaque femme sommeille un potentiel énorme, et que par manque d'hubris , ce potentiel est gâché.
Je crois aussi que si chaque homme et chaque femme faisait preuve d'hubris, ce mot ne voudrait plus rien dire, et c'est pourquoi je ne veux pas que tous suivent ce chemin.
L'hubris, c'est ce qui amène l'homme à être toujours plus profond, plus stable dans ses pensées, plus sérieux dans ses actions.
L'hubris c'est la pile qui ne s'épuise jamais et qui rend l'homme tel qu'il doit être, c'est à dire lien entre le profane et le divin.

Sinon l'hubris c'est aussi ce dont sont capable toutes les taupes, les mineurs, et les nains, bien entendu!