Il est tard

Je ne devrais pas être ici.
Je devrais dormir.
Je devrais avoir fini mes trois devoirs, je devrais avoir révisé mon DS, je devrais avoir écrit un CV, une lettre de motivation, un e-mail à mon père et des excuses à une cinquantaine de personnes.

Qu'est-ce que je fais...

Déjà vingt minutes plus tard, j'ai pensé à autre chose, j'ai été voir autre chose.
Je crois que je passe pas mal de temps dernièrement dans un état d'éveil inconscient, au sens où si je sais que j'agis, je ne m'en rends pas "compte". Pas comme j'en suis capable dans d'autres moments.

C'est effarant, il suffit que je l'écrive pour que je trouve ça stupide. Mais ça me rappelle un peu la discussion de Jacques le Fataliste et de son maître, quand Jacques répond à celui-ci que la plupart du temps, nous sommes inconscient, et qu'à part certains instants de lucidité, nous vivons endormis. Mais lui le disait spécialement pour agacer son maître. Là, c'est ce que je crois vivre.

Du coup... du coup quoi? du coup rien. Je passe ma vie entre le ralenti et l'accéléré. Le ralenti, c'est tous ces moments que je sais exister. L'accéléré, c'est l'éveil assoupi.

Pour tout vous dire, je me suis levé à 16h aujourd'hui, une période de cours non pas de vacances. C'était aussi l'heure où j'aurais pu finir ma journée, parce que les 2 heures de sport son facultatives. Ce n'est pas tant que je me sois couché tard (quoique trois heures du matin n'est pas une heure pour aller dormir), c'est que je n'avais l'envie de rien.

D'ailleurs maintenant (comprenez en ce moment même, au présent, dans cet instant nul entre le passé et l'avenir) j'hésite entre aller en cours "aujourd'hui" ou ne pas y aller. Je devrais. Je devrais? J'ai beaucoup de choses à faire et elles me semblent incompatibles entre elles. Je vais quitter cette orientation, quoi qu'il arrive, même si c'est pour aller en fac. Mais je dois pour l'instant aller en cours et apprendre des notions de mathématiques élémentaires de second cycle et de la physique du même genre qui ne servira à rien dans mon futur métier, bien éloigné de tout ça. D'un autre côté je dois également trouver un petit boulot pour cet été de manière à remplacer ma bourse. Pour cette raison je ne pourrais pas aller en Grèce voir mon père (pour cette raison et aussi parce que ma famille aurait peur vu ce qu'il se passe en Grèce en ce moment. Je crois que ça doit être comme les émeutes en France en 2008: on en parle beaucoup mais ceux qui l'ont vu ne sont pas nombreux), qui sera très fâché étant donné qu'il ne me voit pas souvent - et comme ma soeur non plus ne pourra pas venir, il en sera doublement aigri. Je crois que j'ai une famille d'aigris, et quand je dis ça j'ai un sourire qui vient me voir: c'est sûrement ce qui m'attend aussi.

A une époque, je disais: "il y a des jours..."; maintenant, j'ai envie de dire "il y a des nuits". Il y a des nuits où on oublie tout à fait ce qu'est vivre, ce qu'est être avec d'autres et se rappeler d'eux. Il y a des nuits où on est en pleine forme mais où il faut cependant se restreindre, parce qu'une convention conditionne les hommes à dormir la nuit et que le sommeil des autres est sacré. Et il y a des nuits qui regroupent ces deux choses à la fois, aussi improbable que ça puisse paraître, et qui se manifestent de la manière la plus étrange qui soit, c'est-à-dire en étant un après-midi d'horloge biologique.

Parce qu'écrire me fait toujours aller mieux (quand je ne suis pas déjà au stade post-émo-ique) j'ai la pêche malgré ce qui m'accable. Mais ça ne va pas durer: c'est sur l'instant que ça me prend. Et l'instant n'a aucune durée.

Je ne suis pas lunatique. Non. Si j'étais lunatique je changerais d'humeur du tout au tout sans raison. J'ai toujours la même humeur assez calme, enjouée, triste, avec de légères variations suivant ce qu'on m'encourage à suivre ou suivant ce que moi-même je pense. Simplement, je m'influence l'humeur, en écrivant par exemple, en lisant, en écoutant de la musique.

(Il faudrait un verbe pour dire "écouter de la musique". Rajouter "de la musique" à "écouter" ne montre pas du tout la profondeur de l'influence que ça peut avoir. "de la musique" c'est désuet, que ce soit "de la grande musique" ou "de la petite musique". "écouter du jazz" est représentatif, "écouter du rock" également, mais "de la musique", c'est vague, c'est maladroit, ça devrait être banni)

Et je crois que je vais arrêter maintenant parce qu'il est 5 heures du matin.